Le plus grand voyageur n'est pas celui qui fait 10 fois le tour du monde, mais celui qui a fait une seule fois le tour de lui-même.
Gandhi
Voila 6 mois que j’ai commencé mon expérience canadienne. Je pense qu’il est temps de faire un petit arrêt sur mon état d’esprit, mes doutes, mes expériences et mes émotions.
Comment je vais ?
Globalement, je vais bien. J’essaie de profiter de chaque moment qu’il m’est donnée de vivre ici. Je prends conscience de l’opportunité que j’ai de pouvoir vivre ce que je vis aujourd’hui. J’en étais arrivée à un stade où je m’ennuyais dans ma routine et j’avais besoin de quelque chose qui me fasse sortir hors de ma zone de confort. L’appel de l’aventure était présent en moi depuis très longtemps mais il me fallait faire le premier pas pour la commencer. Et je ne le regrette pas. Je suis heureuse d’être là, et je me découvre toujours un peu plus jour après jour.
Tout n’est pas rose cependant, j’ai des coups de mou parfois et je dois faire face à des situations dont je suis la seule à pouvoir trouver la clé de résolution.
L'introspection personnelle
Je vais aborder ici un sujet que je n’ai pas beaucoup lu avant mon départ : celui de l’introspection personnelle.
Livrée à moi-même, loin de mes proches, le départ de France a inévitablement fait table rase de tous mes repères. J’avais déjà voyagé seule avant de partir ici : une fois au Japon pour un mois puis lors de mon tour d’Europe en train sur 3 semaines mais rien de comparable à ce que je suis en train de vivre présentement. Toutes les cartes sont rebattues, les certitudes se sont envolées et je me retrouve en face de mon « moi ». C’est un drôle de défi quand, dans la subversion du quotidien, on ne se donne pas ou peu de temps pour penser à ce que nous sommes ni à s’octroyer du temps pour apprivoiser son amour propre.
A 32 ans, je me suis longtemps cherchée, et je crois que je me cherche toujours. Se connait-on vraiment complètement un jour ? Cependant, j’ai rencontré une pièce maitresse de ma personnalité peu de temps avant mon départ et j’en suis très reconnaissante aujourd’hui. Je me suis longtemps, pour ne pas dire toujours, sentie en décalage avec les gens et le monde qui m’entoure. Jamais à la même vitesse, jamais sur le même plan intellectuel, toujours en avance, toujours trop ou pas assez. J’ai mis du temps à trouver ma place et ma frustration m’a amenée à porter un regard différent sur la situation. Plutôt que de chercher à rentrer dans ce moule social, qui par essence ne me correspond pas, j’ai axé mon regard sur moi-même et sur la manière dont je pouvais m’épanouir pour trouver mon moyen d’acceptation par rapport à ma différence et en faire ma force.
Le zèbre, cet animal différent, cet équidé qui est le seul que l'homme ne peut pas apprivoiser, qui se distingue nettement des autres dans la savane tout en utilisant ses rayures pour se dissimuler, qui a un besoin des autres pour vivre et prend un soin très important de ses petits, qui est tellement différent tout en étant pareil. Et puis, comme nos empreintes digitales, les rayures des zèbres sont uniques et leur permettent de se reconnaître entre eux. Chaque zèbre est différent.
Jeanne Siaud-Facchin
Le voyage n’est pas seulement géographique. Oui on part, oui on bouge, oui on visite, oui on découvre de nouvelles choses. Mais la chose qu’on apprend le plus : c’est soi-même.
Mes repères changent, mes certitudes se bousculent. Ce qui m’était nécessaire auparavant, dans mon quotidien à 100 à l’heure, est désormais secondaire. Je me retrouve à mon état primaire, face à ce qui m’anime véritablement. J’ai évidemment tout le temps nécessaire pour me focaliser sur qui je suis. Je prends le temps de m’apprivoiser davantage, bien que ma connaissance personnelle était déjà avancée.
Je remets en question mes anciens repères, je prends conscience à quel point mon goût de l’aventure est prédominant. Ma liberté n’a pas de prix et c’est un cadeau que je m’offre à pouvoir vivre et m’accepter comme je suis. Dans cette vie à grande vitesse, il est bon de prendre du temps pour soi et je n’ai surtout pas à culpabiliser d’être unique.
Rester ou partir ?
Cette question est omniprésente dans ma tête. 2 ans de PVT c’est à la fois court et long. C’est long pour faire des découvertes, bouger, profiter de ce que le pays a à nous offrir et c’est aussi court quand on souhaite s’installer durablement et songer à la résidence permanente. La RP n’était pas un objectif en commençant ce périple, et je ne sais toujours pas si ça en est un en écrivant ces lignes.
Il y a des choses de France qui ne me manquent pas : l’insécurité, se faire aborder dans la rue chaque fois que je me ballade seule, la frustration des gens, toujours râler, la fermeture d’esprit. Toutefois, le manque des proches, la gastronomie française sans égal, la sécurité de l’emploi, les avantages sociaux comme les 5 semaines de congés (et j’en avais 8 ou 9 en quittant mon entreprise française), le système de santé sont des choses dont on est extrêmement chanceux d’avoir sur le continent français.
Rester ou partir n’est pas une question à réponse unique. Dans sa finalité, elle l’est mais elle doit être nuancée et mesurée. Décider d’immigrer c’est aller dans un pays d’accueil sans renier nos racines premières. C’est en tout cas la manière dont je vis mon aventure ici. Ce serait d’ailleurs mentir de dire que ce n’est pas une chose compliquée à gérer au quotidien.
En effet, en 6 mois, je n’ai pas réussi à lier de liens sociaux au Canada. Cela est majoritairement dû au fait que j’ai décidé de vivre au Yukon, en dehors de la capitale dans des endroits complètement off-grid. A mon arrivée, je me suis liée d’amitié avec deux personnes, toutes deux reparties soit en Europe soit à l’autre bout du Canada. Et l’absence de liens sociaux est ce qui me manque le plus ici. Au final, je ne me sens plus chez moi en France car j’en suis partie, mais je ne me sens pas non plus chez moi au Canada parce que -pour le moment- je suis encore trop isolée. J’ai toujours pris la décision de changer ma manière de voyager dans les prochains mois et j’en parlerai le moment venu pour répondre à cette question sur la finalité de mon PVT.
"Home" : cette notion personnelle
En ayant abordé la question de l’introspection personnelle et celle de la dualité de se sentir à la fois chez soi mais pas chez soi, ça m’amène à m’interpeller sur cette notion ce que signifie « Feel Home » pour moi. Cette notion est évidemment très personnelle et différente selon notre personnalité et vision sur le monde.
Je réalise ici combien je me sens « Home » partout tant que ça correspond à mes valeurs, mes envies du moment, mon mood et que je me sens bien. Ce n’est donc définitivement pas un endroit pour moi. Ca peut, mais ce n’est pas l’unique possibilité. Ca peut être un lieu, une personne, un champ, une tente plantée au milieu de nulle part tant que le sentiment omniprésent de la situation me ramène à un apaisement, une tranquillité et une adéquation avec qui je suis. Je peux donc vivre partout, tant que j’emmène avec moi tous les sentiments positifs que me procure l’action que je suis en train de faire. « Home » est une notion en mouvement et non pas statique. Je ne trouve pas le sentiment de liberté dans l’enracinement de vivre indéfiniment dans un même lieu.
Au Canada, je me sens donc à ma place dans certains lieux plus que d’autres, sans pour autant considérer que c’est l’unique pays dans lequel je dois m’établir. Je suis libre d’être en mouvement, libre de vivre, libre de définir l’endroit où je vis à un instant T, et ce presque partout dans le monde. Ecrire cette phrase me fait réaliser à quel point je ne suis qu’une minuscule particule de ce géant monde qui m’entoure. Je me complais juste énormément à être un électron libre.